Portraits d’éditeurs : les sept participants du premier Prix des lecteurs de livres en grands caractères
Posté le 06 / 11 / 2025
Le Prix des lecteurs de livres en grands caractères est une initiative portée par l’Association des Amis des Grands Caractères, en partenariat avec la Librairie des Grands Caractères. Ce prix met à l’honneur la qualité éditoriale des ouvrages publiés en grands caractères et donne la parole aux lecteurs concernés. Il a pour ambition de faire connaître cette édition encore trop méconnue, pensée pour rendre la lecture accessible à tous.
Dans cette série d’articles, nous présentons les maisons d’édition participantes et leurs livres en lice. Chacune d’elles incarne, à sa manière, la diversité et la vitalité de l’édition en grands caractères. Ces portraits mettent en lumière leur démarche et les œuvres retenues pour cette première édition du Prix.
1/7. À Vue d’œil, trente ans à œuvrer pour la lecture en grands caractères
Depuis plus de trente ans, les éditions À Vue d’œil œuvrent pour que la lecture demeure un plaisir accessible à tous. Leur engagement repose sur une conviction simple : la littérature doit pouvoir se lire sans effort, quelle que soit la vue du lecteur. Chaque ouvrage est conçu pour offrir un confort de lecture optimal, grâce à la typographie Luciole, spécialement créée pour les personnes malvoyantes, à un interlignage important et à un contraste renforcé. Rien n’est modifié du texte d’origine : seule la mise en page est repensée pour respecter le rythme du regard et la fluidité des phrases.
Pour cette édition du Prix des lecteurs de livres en grands caractères, trois titres d’À Vue d’œil témoignent de la diversité et de la vitalité du catalogue.
Avec Je voulais vivre, Adélaïde de Clermont-Tonnerre revisite la figure de Milady, héroïne des Trois Mousquetaires. À travers la voix d’un d’Artagnan vieillissant, l’autrice redonne chair à cette femme complexe, lucide et manipulatrice, dont la survie repose autant sur la ruse que sur la volonté. Ce roman, entre confession et mémoire, éclaire les zones d’ombre d’un destin féminin que la littérature avait jusqu’ici condamné.
Dans Brûlent les falaises, Emmanuelle Faguer nous entraîne sur les côtes bretonnes, au cœur d’une famille hantée par la disparition d’une enfant et le poids des secrets. À la croisée du roman noir et de la fresque intime, le récit explore la mémoire, la culpabilité et la transmission. Au fil de l’enquête, les blessures anciennes refont surface, dessinant le portrait d’un clan à la fois uni et fracturé.
Enfin, Voici demain de Valentin Musso interroge la peur et la survie dans un monde en crise. Retirés dans une ferme au pied des Pyrénées, trois personnages affrontent l’effondrement du monde extérieur autant que celui de leurs propres certitudes. Ce thriller psychologique mêle tension et introspection, révélant la fragilité des liens humains lorsque tout vacille.
2/7. Anépigraphe Éditions, récits de vies et mémoires retrouvées
En deux années d’existence, Anépigraphe Éditions s’est affirmée comme une maison dédiée aux parcours singuliers, aux récits de mémoire et aux vies traversées par l’Histoire. Ses ouvrages – biographies, romans ou témoignages – explorent la part intime du destin humain. Chaque texte est publié à la fois en version standard et en grands caractères, avec une attention constante portée à la lisibilité grâce à la typographie Luciole, conçue pour les personnes malvoyantes. Forte d’un catalogue de vingt-neuf titres, dont dix en coédition avec Zinédi Éditions, la maison a su créer un espace éditorial où la rigueur documentaire rencontre l’émotion littéraire.
Pour le Prix des lecteurs de livres en grands caractères, trois ouvrages incarnent cette diversité et cette fidélité à la mémoire des êtres.
Avec L’Inconnu du port, Martine Gasnier transporte le lecteur au Havre, en 1886, dans un monde ouvrier en lutte. Autour du port, entre dockers, charbonniers et sans-travail, se tisse l’histoire d’un homme amnésique recueilli par une femme du peuple. Son identité perdue devient le fil d’une quête à la fois sociale et personnelle, miroir d’une époque où la misère côtoie la solidarité. En redonnant voix aux anonymes de l’Histoire, Martine Gasnier compose un roman d’humanité et d’espérance.
Dans Marie Bisson. Une épicière normande dans la tourmente, Bernard Martin fait revivre la figure de sa grand-mère, femme courageuse du monde rural. À travers elle, c’est tout un siècle de mutations qui se déploie, de la Première Guerre mondiale à la Reconstruction. L’auteur restitue avec pudeur le quotidien d’une femme simple, à la fois ancrée dans son territoire et témoin des bouleversements de son temps.
Enfin, L’Enchanteur et illustrissime gâteau café-café d’Irina Sasson de Joëlle Tiano-Moussafir unit mémoire et imaginaire dans le récit d’une centenaire qui, entre deux langues et deux mondes, recompose le fil de sa vie à travers une recette mythique. Ce texte, empreint de poésie et d’exil, évoque la transmission, la mémoire du goût et la persistance du souvenir face au temps qui s’efface.
3/7. Éditions de La Loupe, lire pleinement en grands caractères
Fondées en 2002, les Éditions de La Loupe ont fait de la lisibilité leur exigence et de la qualité littéraire leur signature. Chaque année, une cinquantaine d’ouvrages rejoignent leur catalogue, soigneusement sélectionnés parmi des centaines de manuscrits. La notoriété de l’auteur n’est jamais un critère : seule compte la force du texte et la sincérité du propos.
Depuis janvier 2025, la maison a adopté la typographie Luciole, conçue pour améliorer le confort de lecture de tous les publics, en particulier les lecteurs empêchées. Qu’il s’agisse de romans contemporains, de récits d’émotion ou de textes du patrimoine littéraire, chaque livre bénéficie d’une composition rigoureuse et d’une attention constante portée à l’objet imprimé.
Trois ouvrages des Éditions de La Loupe participent cette année au Prix des lecteurs de livres en grands caractères, témoignant de la richesse d’un catalogue où se rencontrent les voix du passé et celles du présent.
Dans La Chatte, Colette explore les tensions entre amour et possession à travers un triangle singulier : Alain, son épouse Camille et la chatte Saha. Entre l’homme, prisonnier de son enfance bourgeoise, et la jeune femme en quête d’émancipation, se joue un drame intime où s’entrelacent attachement et dépendance. Par la finesse de son analyse et la musicalité de sa langue, Colette exprime tout ce que l’amour peut contenir de douceur cruelle et d’impossible détachement.
Avec Le vent souffle sur Little Balmoral, Sophie Jomain déploie un roman à la fois drôle et sensible, où le deuil et la reconstruction se mêlent aux sortilèges d’un manoir écossais. Héritière d’une demeure hantée par ses souvenirs, Phèdre Demay y affronte son passé et redécouvre le pouvoir des émotions enfouies. Entre fantômes réels ou imaginaires, l’autrice joue avec les codes du roman d’amour et du mystère pour célébrer le courage d’aimer encore.
Enfin, Ilaria ou la conquête de la désobéissance de Gabriella Zalapì raconte, à hauteur d’enfant, l’enlèvement d’une fillette par son père et l’apprentissage douloureux de la liberté. Dans une langue épurée, l’autrice donne voix à une enfance blessée mais lucide, où la résistance passe par l’observation et la mémoire. Ce roman, à la fois intime et universel, explore la manière dont la désobéissance devient un chemin vers soi.
4/7. Éditions du Palémon, le polar en grands caractères à l’ancre bretonne
Installées à Quimper, les Éditions du Palémon incarnent depuis leur création l’esprit d’une Bretagne à la fois enracinée et ouverte sur le large. La maison s’est imposée comme l’un des piliers de l’édition indépendante régionale. Spécialisée dans le roman policier et noir, elle explore les paysages, les ports et les mystères d’une terre où le réel et la légende se croisent. Son catalogue rassemble chaque année une quarantaine d’ouvrages écrits par une trentaine d’auteurs. Ce rythme soutenu, fidèle à une exigence littéraire constante, témoigne du dynamisme d’une maison dont les lecteurs, toujours plus nombreux, suivent les parutions comme on retrouve des amis de longue date.
En lice pour le Prix des lecteurs de livres en grands caractères, Retour à Belle-Île de Jean Failler met une nouvelle fois en scène Mary Lester, héroïne emblématique de la série policière bretonne. Cette fois, la commissaire est confrontée à une affaire déroutante : des jeunes femmes seraient retenues prisonnières à bord d’une goélette, la Shéhérazade. Pourtant, rien ne prouve la véracité des accusations d’Aude Larmenciel, une jeune femme instable qui prétend avoir elle-même été captive. Entre doutes, fausses pistes et procédures impossibles, Mary doit naviguer à vue, de Quimper à Lorient, du Cap Sizun à Belle-Île, pour dénouer une intrigue où la vérité se dissimule derrière les apparences.
5/7. Parole et Prière, la foi à portée de regard
Connue pour sa revue mensuelle qui accompagne les croyants dans leur vie spirituelle quotidienne, Parole et Prière est aussi un éditeur attentif à rendre accessibles les grandes œuvres de la foi. De la prière du matin à la messe dominicale, la maison propose depuis des années des textes nourris de méditations, de témoignages et de figures inspirantes. En partenariat avec les Éditions de La Loupe, elle s’attache désormais à publier, en grands caractères, des ouvrages issus des Saintes Écritures, de la spiritualité chrétienne ou des vies de saints, afin que la lecture religieuse soit ouverte à tous.
Pour le Prix des lecteurs de livres en grands caractères, Parole et Prière présente cette année deux œuvres majeures de la littérature spirituelle : Sagesse d’un pauvre d’Éloi Leclerc et Histoire d’une âme de sainte Thérèse de Lisieux.
Dans Sagesse d’un pauvre, Éloi Leclerc retrace la crise intérieure de saint François d’Assise, déchiré entre l’élan mystique de ses débuts et les épreuves de la vie communautaire. À travers ce récit, le franciscain invite à redécouvrir la confiance totale en Dieu, dans la pauvreté et la simplicité du cœur. Méditatif et lumineux, ce roman fait entendre la voix d’un homme qui, au milieu des doutes, retrouve la paix dans une foi dépouillée : « Dieu est, et cela suffit. »
Avec Histoire d’une âme, sainte Thérèse de Lisieux livre le récit de son cheminement intérieur, de l’enfance aux dernières années vécues au Carmel. Par sa « petite voie », elle propose une spiritualité de l’amour et de l’abandon, accessible à chacun. Son écriture, à la fois candide et profonde, révèle une foi confiante, nourrie par le quotidien et ouverte à l’universel. Ce texte, lu dans le monde entier, demeure une source inépuisable d’espérance.
6/7. rueLaplace éditions, l’histoire en grands caractères
Dès sa création, rueLaplace éditions s’est donnée pour mission de compléter l’offre en biographies, récits et romans historiques de la Librairie des Grands Caractères. Son ambition : offrir aux lecteurs malvoyants un accès élargi à l’histoire, à travers des textes exigeants, porteurs de mémoire et de savoir.
Tous ses ouvrages sont composés en caractères Luciole, spécialement conçus pour les personnes déficientes visuelles, et soigneusement mis en page afin de garantir une lecture fluide et confortable. Fidèle à cet esprit d’innovation, rueLaplace éditions a été le premier éditeur à proposer le format XXL, destiné à ceux qui ont besoin de caractères encore plus grands.
Pour le Prix des lecteurs de livres en grands caractères, trois ouvrages incarnent la diversité du catalogue et la cohérence de cette ligne éditoriale.
Avec Gabrielle d’Estrées, presque reine, Henri Carré retrace le destin de celle qui fut la compagne d’Henri IV, aimée du roi et redoutée de la cour. À travers le regard de l’historien, la jeune femme, trop souvent réduite à son rôle de favorite, retrouve sa véritable stature : celle d’une conseillère, d’une mère et d’une figure politique au cœur d’un royaume encore déchiré. Son destin brisé incarne à la fois la passion et la raison d’État.
Dans Paul Cézanne, Élie Faure livre un portrait d’artiste d’une rare intensité. Plus qu’une biographie, ce texte interroge le mystère de la création et la solitude du peintre face au monde. Médecin et critique d’art, Faure mêle observation sensible et réflexion esthétique, dressant de Cézanne l’image d’un visionnaire habité par la quête de vérité.
Enfin, Les Heures étoilées de l’humanité de Stefan Zweig réunit douze récits où l’Histoire se condense en instants décisifs. De la chute de Byzance à la découverte de l’océan Pacifique, ces « heures » témoignent de ces moments où un geste, une idée ou un destin font basculer le cours du monde.
7/7. Voir de près, la diversité littéraire en grands caractères
Depuis 2017, les éditions Voir de près s’attachent à rendre la littérature accessible à tous. Leur conviction est simple : la lecture doit rester un plaisir, quel que soit l’âge ou les difficultés de vision, d’attention ou de concentration. Son catalogue réunit littérature classique et contemporaine, française et étrangère, ainsi que des textes de théâtre, de poésie et de jeunesse – y compris l’intégralité des œuvres au programme du baccalauréat.
Membre fondateur des Éditeurs Atypiques, Voir de près défend une idée forte : ce n’est pas à la personne en situation de handicap de s’adapter au livre, mais au livre d’être pensé pour tous.
Pour le Prix des lecteurs de livres en grands caractères, Voir de près présente trois romans qui illustrent la richesse et la diversité de son catalogue : Le Livre des passages d’Alex Landragin, Traverser les montagnes, et venir naître ici de Marie Pavlenko, et Mon vrai nom est Elisabeth d’Adèle Yon.
Dans Le Livre des passages, Alex Landragin compose un roman-monde fascinant, construit comme un labyrinthe. Trois récits s’y entremêlent — du Paris de Baudelaire à l’Europe des années 1940 — mêlant amour, mystère et mémoire. Par son architecture narrative, le roman invite le lecteur à choisir son propre chemin, renouant avec la dimension initiatique du récit littéraire.
Avec Traverser les montagnes, et venir naître ici, Marie Pavlenko signe la rencontre de deux femmes en exil : Astrid, qui fuit une vie dévastée, et Soraya, réfugiée syrienne enceinte contre son gré. Dans les paysages sauvages du Mercantour, leurs solitudes se croisent, se reconnaissent et s’ouvrent à la lumière. Un texte vibrant, porté par la beauté du langage et la puissance de la nature.
Enfin, Mon vrai nom est Elisabeth, premier roman d’Adèle Yon, explore les zones d’ombre d’une lignée féminine marquée par le secret et la folie. L’autrice mêle enquête, archives et introspection pour retracer le destin de son arrière-grand-mère internée dans les années 1950. Entre essai intime et quête de mémoire, elle interroge la transmission du silence et la place des femmes face à la norme médicale et sociale.
Retrouvez les 18 livres en lice pour le Prix des lecteurs de livres en grands caractères, proposés par sept éditeurs participants, ainsi que l’ensemble des résumés, la présentation des auteurs et des maisons d’édition sur le site officiel du Prix.







